Sylvain Bazin

Interviews

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LE FAST HIKING EN NO LIMIT.
Après Julien et Guillaume, c’est Sylvain qui se prête à l’ITW DBDB ! Nous l’avions commencé avant son départ pour l’Himalaya. Pour le coup, Sylvain revient dans la question 6 sur sa mésaventure et sur la suite qu’il compte donner à son Terdav Trail World Tour. Interview

article DBDB - Sylvain Bazin

Il y a 10 ans, quel défi relevais-tu ou te lançais-tu ? (marathon, trail, trek, etc)

Alors...il y a 10 ans....Hum... les choses ont pas mal évolué quand même depuis ! Ca m’arrive souvent d’y penser en fait, à ce que je faisais,dix ans en arrière. En 2002, c’était une année un peu charnière pour moi parce que je préparais un concours de l’administration (que j’ai eu et qui m’a occupé un moment ensuite, au niveau professionnel. C’était celui de conservateur de bibliothèque pour être précis !) et donc je n’avais pas grand chose d’autre à faire que de courir ;-) ! C’est l’année où globalement je suis allé le plus vite je crois... Je m’entraînais pas mal à l’époque, à raison de sept à douze fois par semaine (plus souvent huit...).J’avais un peu progressé cette année là et je me souviens bien de mes deux meilleures courses, qui intervenaient d’ailleurs les semaines où j’ai passé l’écrit et l’oral du concours, ce qui amenait un bon contraste d’ambiance entre la semaine et le week-end,même si dans les deux cas, il s’agissait plus ou moins d’être compétitif ! J’avais ainsi terminé 3e de la course des Gendarmes et de voleurs de temps, qui à l’époque réunissait pas mal de bons spécialistes de trail, de route et de montagnes (les équipes de France de 100 km et de montagne étaient au départ, je m’en souviens bien...). J’avais mis 2h05 pour un 32 km bien vallonné tout de même, un trail roulant mais je me souviens que je montais fort à l’époque. C’était fin mai... En octobre, après l’écrit donc, j’aicouru les 20 kms de Paris. J’ai mis 1h05’, finissant 15e. Il n’y avait plus guère que des kenyans devant...

Ca reste un super souvenir au niveau des sensations ; j’avais vraiment l’impression de commencer à toucher une technique, un geste qui permet de courir vite longtemps, pas du tout d’être allé au bout de mon potentiel...Mais bon par la suite, je n’ai plus connu de conditions d’entraînement aussi favorables, et puis ma motivation s’est tournée vers d’autres défis. J’avais déjà couru des trails donc, et les premières années où je suis rentré dans la "vie a, je pense que c’est même le fondement de ma passion pour la cours active",mes capacités d’entraînement et mes nouvelles possibilités financières, mes conditions de vie si on peut résumer ainsi, mes envies aussi, m’ont plus amené vers le trail, les épreuves lointaines, et c’est ainsi, sans doute, que ma pratique s’oriente de plus en plus vers des défis personnels, du voyage d’aventure à mon niveau. Ma pratique a donc pas mal évolué, mais je pense que le socle reste le même, à savoir une quête personnelle, intérieure,qui s’exprime de différentes façons. Bien entendu, actuellement,j’ai l’impression ou au moins l’ambition d’une recherche à la fois plus personnelle (quoique...) et peut-être plus facile à partager,au moins par l’écrit et l’image. Ensuite, rien n’est figé et c’est peut-être ça qui m’a fait avancer. Je ne me suis pas, je crois,trop enfermer dans une pratique exclusive, ni ne me suis jamais considéré comme un "pur compétiteur" uniquement à la recherche de la meilleure performance ; j’ai toujours cherché quelque chose qui dépassait ça. Un besoin de transcendance.

Comment es-tu arrivé sur l’Ultra ? Une sortie de piste ? Parle-nous du marathoniensans barbe que tu as été ?

Bon du coup j’ai déjà plus ou moins répondu plus haut... Comme je le disais, je pense que j’ai toujours suivi plus ou moins la même démarche, mais en la faisant évoluer, peut-être mûrir... Quand j’étais -plus ou moins car je n’ai jamais pratiqué exclusivement cette discipline, je faisais alors, en même temps plus ou moins du trail, de la piste et beaucoup d’autres courses sur route-marathonien je ne visais pas vraiment le "chrono pour le chrono", même si bien sûr améliorer mon temps personnel me faisait plaisir. Mais déjà j’allais souvent courir un peu loin, un peu tout seul aussi, pour découvrir. Des marathons régionaux, pas toujours plats, pas toujours très "côtés" mais où il y avait une ambiance, un petit voyage à faire dans le week-end. J’ai ainsi aligné pas mal de marathons autour de 2h35, ça m’arrivait d’en courir deux en un mois... Après, je pense que j’aurai pu aller plus vite,mais bon... ça me reprendra sans doute un jour d’essayer mais enfin avec la vie que je mène ;-)...
Pour la barbe par contre je la portais déjà la plupart du temps... En fait, elle n’est pas immuable, même si depuis deux ans je n’ai plus été glabre, ça m’arrive de la ratiboiser pas mal. D’ailleurs pour la petite histoire au début de l’année elle était bien taillée,et puis... bon c’était un peu psychologique de la laisser en friche...là je l’ai taillée ce matin dis donc, parce que je pense que pour le Népal ce n’était pas trop jouable niveau entretien !

Quel est ton terrain de jeu préféré ? Peux-tu me dire le pire et le
meilleur de ce que tu as vécu sur les sentiers du monde ?

Je n’ai pas vraiment de terrain de jeu préfère...ça dépend de mon humeur, des sensations que je recherche. C’est vrai que pour les sensations de course, je préfère quand c’est "roulant",sinon pour marcher, j’aime tout. Je sais à peu près (enfin en ce moment, c’est pas terrible...) courir vite, mais il me faut alors le moins d’obstacles possible, et marcher vite ; par contre j’ai souvent du mal à trottiner, à sauter de pierres en pierres. Mais je m’adapte. Après bien sûr, courir en Himalaya, en Mongolie, dans certaines zones du Sahara, ça reste des souvenirs très forts. Mais parcourir le chemin de Saint-Jacques aussi, et pourtant c’est tout près... Je n’ai pas vraiment de "pire souvenir", en tous cas pas dans ces longs trails par étapes, ces voyages. Des moments difficiles, oui, mais pas de mauvais souvenirs à proprement parler. J’avais par exemple eu un peu peur une fois en chutant dans la Thorong pass au Népal, mais bon ça reste un souvenir plutôt bon car j’étais très bien reparti le lendemain, ce qui est le plus important.

Est-ce qu’il t’arrive de chantonner "Un kilomètre à pieds çause, ça use... Un kilomètre à pieds ça use les souliers"lors de tes longs périples ? Plus sérieusement comment gères-tu ces longues distances, physiquement et mentalement ?

Oui,ça m’arrive de chantonner lors de mes longues courses et marches solitaires ;-). j’en ai parlé d’ailleurs dans mon récit sur le Saint-Jacques... Mais c’est vrai que ça ne fait pas tout ! C’est vrai aussi que quand je parle de l’évolution de ma pratique, je pense qu’elle s’est "naturellement" orientée vers des défis où le mental joue beaucoup, et tient même le premier rôle. Bien sûr,il faut être solide physiquement, mais par exemple sur le Saint-Jacques, c’est tout de même le mental qui me fait repartir tous les matins, pour 50 à 70 kilomètres de chemins... J’essaie de me mettre dans une situation d’esprit qui correspond à la situation physique de l’effort et de la distance requise, j’essaie aussi d’être "à l’écoute" de mes tendons... Mais bon là je vais à nouveau gérer au Népal, dans le voyage". Sur mes derniers défis,c’est cette position qui m’aide à avancer. Physiquement, comme je suis autonome, je dois gérer la carrosserie... Mais ces derniers temps j’ai plus de mal sur les courses que sur mes défis personnels.A la fois parce que psychologiquement j’ai du mal à être dans un peloton et puis en raison de problème sur le Great Himalaya Trail.Je vais vraiment devoir me sentir "dans le voyage", dans mon défi, et gérer sans doute à la fois la difficulté physique et la solitude aussi. Mais bon, la solitude, j’y suis très habitué je pense alors je fais avec... même si je serai je pense très content de rencontrer des compagnons de route ! Enfin je pense qu’il faut, sur ces distances là et à fortiori sur un défi de plusieurs jours, accepter un certain niveau de souffrance, ou d’inconfort, qu’on le peut ensuite surpasser. Qu’il soit physique ou moral.

Le tour du monde tu y penses en te taillant la barbe le matin ?

Oui...après je le fais plus ou moins déjà, par étapes et certes en rentrant chez moi entre mes voyages, avec le Terdav Trail World Touret mes courses un peu partout... Après, j’en ferai certainement un,complet, enfin plus ou moins évidemment, un jour ou l’autre. Après je ne sais pas encore sous quelle forme, ni quand... Je ne peux pas vraiment pour le moment envisager de partir plus de trois mois d’affilé. J’ai encore quelques raisons, affectives, professionnelles et financières, qui me disent de rentrer quand même de temps en temps ! Et ce n’est pas forcément plus mal, c’est peut-être ce qui me retient encore dans une vie sociale à peu près normale ! ;-) Mais bon mon "Trail World Tour" est en soi une sorte de tour du monde, par les chemins et en étapes, mais en tous cas une suite de voyages qui me motive vraiment. Et je pense qu’ensuite, il y en aura d’autres !

Après ta mésaventure en Himalaya, comment vois-tu la suite des événements pour cette fin d’année et 2013 ? Quand est-il de Tongrand projet ? Reporté ou modifié ? Penses-tu un jour tenter de nouveau l’Himalaya ou est-ce encore trop tôt pour en parler ?

Bon,c’est sûr que c’était tout de même un gros choc, un accident assez grave même si je m’en tire très bien...cela va forcement influer sur la suite qui sera sans doute un peu différente. Pour la fin de l’année, je crois que je vais rester assez sage, je vais me donner le temps de récupérer encore un peu, physiquement et peut être aussi "émotionnellement". Mais bon, comme ça commence à aller mieux, j’espère déjà pouvoir trottiner dans pas longtemps du tout.Je vais y aller progressivement, sans doute retravailler un peu les bases de la course a pied, que j avais un peu laissé de coté ces derniers temps. Ca va me faire du bien je pense. Je ne m’interdit pas de participer à quelques courses, pour l’ambiance, mais sur des terrains faciles. J’espère reprendre aussi assez vite mes reportages sur le terrain...

Mon programme 2013 tiendra forcément compte de cette récupération.J’ai évidemment plein de projets et d envie, il faudra cependant que je tienne bien compte de mon état, notamment de l’évolution de mon bras droit, qui est pour l instant partiellement paralysé. Cela risque de me limiter quant à la technicité des terrains. Je pense également courir un peu moins sur des ultras trails, à la fois pour cette raison et pour me préserver aussi un peu. Je pense que la "surabondance" de courses sur ces formats que j’avais disputé ces cinq ou six dernières années m’ avait tout de même un peu fatigue ;je le ressens encore notamment au niveau du tendon et du talon droit...Si ça se trouve, je ne ferai qu’une seule course de ce type l’an prochain, rien n’est encore décidé même si je pense un peu au Tor.... En retravaillant les bases de la course, je pense que je vais courir un peu plus sur des terrains "stables" (comme le bitume...) et sans doute me limiter pendant un moment a la marche en montagne...également pour des raisons techniques et de récupération.Bien sûr, je souhaite pouvoir reprendre ma vie de voyageur, et notamment au travers des prochaines étapes de mon Terdav Trail WorldTour, le chemin des 88 temples au Japon, qui me tient vraiment à coeur, pour l’aspect pèlerinage (la "spiritualité" qui émane de ces chemins m’inspire vraiment), découverte, et encore plus après ce qu’il s’est passé au Népal, puisque je dois à mes nouveaux amis japonais d’être encore là ; la traversée des Carpates, ou un autre chemin selon mon état, complétera cette deuxième année du TTWT.

Certes, l’accident népalais m’a marqué mais cela ne freine pas mes aspirations ni ne me change totalement (à part le look ;-)) Revenir au Népal...oui bien sûr, je vais y retourner, j’espère même dans pas longtemps, mais sans doute sur un mode plus doux... un beau trek en bonne compagnie,un 6000 m pas trop difficile et partagé...c’est ce vers quoi je tends pour l’instant. Je n’ai pas encore envie d’y retourner pour quelque chose de "difficile". Je pense avoir touché de près quelques limites sur ce dernier voyage ; une région vraiment trop hostile, trop dangereuse, en tous cas pour moi. C’était même dur au niveau de la solitude les premiers ours. Il n’y avait guère de très belles rencontres, je me sentais vraiment ds quelque chose de difficile, au niveau du terrain, des paysages, de tout...après c’est sur que la suite, dans des régions moins sauvages et inhospitalières, dans un climat plus favorable, aurait été plus simple. mais tout de même. je ne sais pas si je reviendrai sur le Great Himalaya trail ; pas dans l’immédiat. en plus le fait que ce chemin n’existe finalement pas réellement, c’est plus une invention de cartographe qu’un chemin vraiment "marché" , me gêne un peu. Mais bon l’Himalaya est tout de même une région magique alors bien sûr je pense y retourner pour d’autres défis et des aventures plus heureuses, même si, ça peut paraître curieux après ce que je viens de dire, je ne conserverai pas un "mauvais souvenir"de cette expérience tout de même extrême. Ma rencontre avec le groupe de japonais, mon sauvetage, le soutien de mes amis,l’efficacité de Terdav, les soins au Vayodha Hospital de Kathmandou,tout cela restera une expérience très forte et finalement enrichissante. Mais c’est sur, en 2013, et même après sans doute,j’y repenserai souvent et cela aura une influence sur mes envies, mes projets et leur réalisation.

Vouspouvez d’ailleurs visionner une présentation de ces chemins sur celien (et oui je suis bien entendu en phase de recherche departenaires pour ces nouvelles aventures) :
http://www.youtube.com/watch?v=5fzoPZY4x4A&feature=youtu.be

Projetons-nous dans quelques dizaines d’années : un ultra en Hoka sur la Lune ou en Merell sur Mars ?

Hum...faudrait voir le terrain... Je suis partant pour les deux a priori,mais bon d’ici là les chaussures auront encore évolué !

Ta tenue préférée pour courir un 1000 kms ?

Si le temps est au beau, un short, un tee-shirt (c’est pas mal avec un col zippé en prime, j’ai remarqué) et un bon sac à dos pour mettre tout ce dont j’ai besoin au cas où ! Des chaussures adaptés au terrain, des chaussettes, et vogue la galère...

Dans le cadre du grenelle mondial de l’environnement, il est convenu par les grandes puissances de vider les océans le temps de tout nettoyer les fonds marins. Tu en profites pour programmer un petit Ultra "sous-marin". Lequel et pourquoi ?

Je repartirai de Cabo Fistera à la pointe occidentale de l’Espagne,pour toucher l’Amérique... Ca serait la suite logique du Saint-Jacques ! ;-). J’aime bien la notion de continuité, de recherche qui évolue, peut-être, même si c’est très prétentieux,de tisser une sorte d’oeuvre... ;-)

La question que tu aimerais poser à René-Charles ?

Sylvain : Les trailers les plus marrants à "croquer" pour toi (connus ou pas) ? Est ce qu’au contraire tu as du mal à en dessiner d’autres ?

Bonne question ! Oui, il y a des trailers que j’aime beaucoup dessiner et pour plein de raisons : Kilian Jornet, Anton Krupicka, Sylvain Bazin !, par exemple. Les personnages sont typés et leur univers bien marqué. De plus ils sont les porte-drapeau d’un certain esprit du trail. Julien Jorro également a un gros potentiel DBDB, je ne l’ai pas encore trop exploité... Christophe Le Saux aussi (j’ai un dessin qui attend sur le bureau depuis quelques semaines :) ) J’aime bien le nouveau Tom Lorblanchet tiens ! Julien Lantuejoul et Guillaume Bernard (interviewés précédemment) m’inspirent pas mal également, leur vision et pratique de la discipline me plait bien. Il y en a plein d’autres mais je ne vais pas tout dire...

Ceci dit, incontestablement, tu as un grand potentiel DBDB :))

J’ai du mal à dessiner ceux qui... me demandent de les dessiner. Il faut que cela vienne de moi. Sinon, ça ne marche pas :)

MERCI SYLVAIN ! Bonne route à toi

QUELQUES INFOS

 
Son blog : http://sylvainbazin.blogspot.fr
Sa page FB : https://www.facebook.com/sylvain.bazin1?fref=ts
Le site Terdav : http://www.terdav.com

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04 mars 2022